Le projet de loi sur la simplification de la vie économique (SVE), examiné les 29 et 30 avril par les députés, comporte plusieurs mesures majeures qui pourraient profondément transformer les pratiques de la commande publique. Les débats ont porté sur des sujets aussi variés que la simplification administrative, les plateformes de publication comme PLACE, ou encore la prise en compte de critères locaux dans l’attribution des marchés. Voici les trois grandes évolutions à retenir.
Relever les seuils pour simplifier l’accès à la commande publique
L’Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements visant à rehausser les seuils de dispense de procédure dans les marchés publics. Le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence serait ainsi uniformisé à 100 000 € HT pour tous les types de marchés (fournitures, services et travaux), dans une logique de simplification. Cette mesure s’inspire des dispositifs existants pour les marchés innovants ou les travaux, et vise explicitement à faciliter l’accès des TPE/PME, en réduisant les contraintes formelles qui freinent encore trop souvent leur participation.
La proposition prévoit aussi, à horizon 2026, de relever le seuil des marchés de travaux à 143 000 € HT, aligné sur celui des marchés formalisés européens pour les fournitures et services. D’autres cas spécifiques sont aussi intégrés, comme les achats de produits d’occasion ou issus du réemploi, qui bénéficieraient également d’un seuil relevé à 100 000 €. De même, le retour d’un dispositif simplifié via le seul numéro de Siret, inspiré du feu Marché Public Simplifié (MPS), permettrait aux entreprises candidates de répondre sans produire les justificatifs habituels — ceux-ci étant automatiquement récupérés via les outils numériques. Une mesure emblématique de la volonté affichée de réduire les barrières administratives.
La plateforme PLACE : recentrage autour de l’État
Parmi les sujets les plus sensibles figure l’utilisation de la plateforme PLACE, actuellement dédiée aux achats de l’État. Un amendement supprimé en séance visait initialement à imposer cette plateforme unique aux collectivités territoriales, suscitant de nombreuses oppositions. Les députés ont donc choisi de revenir sur cette obligation, la jugeant contre-productive pour l’économie locale et menaçant la diversité de l’écosystème des plateformes de dématérialisation, notamment la presse régionale.
Autre débat : la gestion même de PLACE. Un amendement adopté impose désormais que sa gestion soit assurée par une plateforme française ou européenne. Ce texte, porté par le RN, critique la désignation du groupe canadien CGI en 2024 pour l’exploitation de PLACE, y voyant une menace pour la souveraineté numérique. En réponse, le gouvernement a précisé que cinq prestataires se partagent la gestion de la plateforme, dont quatre sont français et le cinquième une filiale française de CGI. En l’état, PLACE reste réservée à l’État, aux hôpitaux, et aux organismes de sécurité sociale — les collectivités territoriales échappent donc pour l’instant à cette centralisation.
Variantes et préférence locale : de nouvelles marges de manœuvre
D’autres dispositions adoptées reflètent une volonté de donner davantage de liberté aux acheteurs publics. L’une d’elles prévoit que, sauf mention contraire, les variantes soient désormais autorisées par défaut dans les procédures formalisées. Cela inverse la logique actuelle et entend favoriser la créativité des entreprises dans leurs réponses.
Sur un plan plus politique, plusieurs amendements ont introduit des formes de préférence locale. Un premier texte, jugé conforme aux règles européennes, permettrait d’intégrer des critères d’ancrage territorial dans l’attribution : emploi local, service de proximité, réduction de l’empreinte carbone, etc. D’autres, plus controversés, visent à favoriser l’achat local dans les marchés non soumis à mise en concurrence. L’objectif assumé par certains députés est de permettre une préférence nationale ou locale de fait, en se situant dans un cadre où les obligations de concurrence sont moindres. Si ces dispositions venaient à être maintenues dans le texte final, elles pourraient être contestées devant le Conseil constitutionnel au regard des principes d’égalité de traitement et de transparence.